Patrick Martin sur BFM TV : « Nous sommes drogués à la dépense publique »
Invité du Face à Face sur BFM TV, Patrick Martin a évoqué sa rencontre avec le Premier ministre et les craintes de voir un accord politique se faire sur le dos des entreprises et de l’économie. Il est également revenu sur la situation économique actuelles et les menaces qui pèsent sur la croissance et l’emploi si rien n’est fait pour diminuer la dépense publique.
Sur les menaces qui pèsent sur l’économie et les entreprises
« Il ne faut rien exclure. Oui, évidemment, nous avons cette crainte qu'un accord politique dont on comprend la nécessité se fasse sur le dos, non pas des entreprises uniquement, mais de l'économie d'une manière générale, ça veut dire y compris des salariés et de l'endettement de la France. En tout cas cela nous inquiète beaucoup. (…) Ce qui est en train de se jouer, c'est la perte de confiance. Je vous cite deux, trois indicateurs. Le taux d'épargne des ménages, historiquement, n'a jamais été aussi élevé. C'est l'expression d'une crainte sur des impôts futurs. Les intentions d'investissement dans l'industrie sont retombées à leur plus bas niveau depuis 23 ans. Un chiffre m'impressionne beaucoup. Les Français détenaient 220 milliards de dollars de bons du trésor américain fin 2023, fin 2024. 330 milliards. Il y a donc 110 milliards de dollars, d'épargne des Français qui sont partis aux Etats-Unis. (…) Je suis inquiet et c'est désolant parce qu'on est dans une période où il y a encore beaucoup d'énergie, beaucoup d'opportunités et on est en train de rétropédaler, en tout cas de décrocher par rapport à d'autres pays, y compris européens, la Pologne, l'Espagne, le Portugal, l'Italie. »
Sur les retraites et notre modèle de protection sociale
« Dans le panorama très tendu des finances publiques sous surveillance de nos bailleurs de fonds étrangers, 54 % de la dette française est détenue par des étrangers et pas que des Européens, il ne faut pas toucher au rendement de la réforme. Et le rendement de la réforme, on le sait, tient essentiellement à l'âge légal de départ en retraite à 64 ans. Ce n'est pas le moment de reprendre cette réforme qui je le rappelle porte sur 14 % du produit intérieur brut. (…) Mais, reposons la question centrale du niveau et du financement de la protection sociale en France, pas que des retraites. On est à un niveau de dépense sociale qui devient insupportable. Il devient insupportable pour les salariés, pour les ménages, pour les entreprises qui supportent le coût de ce modèle social. (…) Il faut remettre en cause un certain nombre de dispositifs. Il y a de la gratuité à trop d'endroits, sur le médicament, sur les transports publics. À un moment donné, ça déresponsabilise beaucoup de monde pour ne pas dire tout le monde. On ne peut pas continuer à faire supporter l'effort sur des agents économiques, les entreprises au premier chef, qui sont déjà les plus taxées au monde. On se tire une balle dans le pied si on continue à faire cela ». (…) Le Big Bang, qui consisterait à remettre à plat globalement la réforme, alors qu'il est établi qu'elle ne sera déjà pas suffisante pour, dans la durée, payer les retraites, c'est cela le sujet. Qui va payer les retraites ? A quel niveau seront les retraites dans la durée ? A un moment donné, il y a un principe de réalité. »
Sur l’IS
« On nous dit, on va porter le taux d'impôt sur les sociétés des grandes entreprises, à vrai dire de beaucoup d'entreprises moyennes, à 35,5 %. À quel niveau, Monsieur Trump, veut-il baisser le niveau d'imposition sur les entreprises ? 15 %. L'argent part à gros bouillons, là où il est sécurisé, là où il est rentable. »
Sur les allégements de charges
« Il y a effectivement à hauteur de 80 milliards d'euros d’allègements de charges. C'est la correction partielle d'une aberration, c'est-à-dire qu'il y a par ailleurs beaucoup trop de charges. Et à la fin, en net, le coût du travail en France est supérieur à celui de nos concurrents à partir de deux SMIC. Donc, moi, je suis pour, là aussi, remettre à plat tout le système et le faire à froid, prendre en compte nos impératifs de compétitivité, nos impératifs de production et qu'on ne se trompe pas de débat. Il y a de l'argent en France, mais il faut aller le chercher là où il dort. Certainement pas sur le dos des salariés, certainement pas sur le dos des entreprises qui tirent tout le modèle social ».
Sur les faillites d’entreprise et le chômage
« Le nombre de faillites en 2025 dépendra notamment des arbitrages politiques qui vont être rendus. Si on a le courage, dans ce pays, de faire ce que d'autres ont fait, c'est-à-dire de ramener la dépense publique à dix points de moins que ce qu'elle est, on donnera des marges de manœuvre, on donnera de l'oxygène à l'économie pour créer des emplois, pour permettre à des entreprises de survivre. (…) Dans un pays où 56 % du PIB relève de la dépense publique, on est anormalement, dangereusement suspendu à la décision politique. Oui les chefs d'entreprise retiennent leurs investissements, retiennent les créations d'emplois, commencent à supprimer des emplois, parce que la consommation ne redémarre pas, les Français épargnent, l'investissement ne redémarre pas, les entreprises ont peur de ce qui va leur tomber dessus en matière de fiscalité, prenons le problème dans le bon sens. Si on ne le prend pas dans le bon sens, oui, le chômage va réaugmenter. (…) Le plus préoccupant dans la situation actuelle, c'est que l'investissement des entreprises est sur un rythme de baisse de 3 % par an. Il faudrait, ne serait-ce qu'au titre de la trajectoire de décarbonation de notre économie, que l'investissement des entreprises augmente de 10 %. (…) Je reprends l'exemple de l'Italie. L'Italie a une croissance assez modeste, inférieure à celle de la France en 2024. Il n’en demeure pas moins que l'Italie aura réduit son déficit public de 7,2 à 3,8 % du PIB entre 2023 et 2024. Comment l'ont-ils fait ? Par des réductions de dépenses publiques. Nous sommes drogués à la dépense publique, notamment à travers nos régimes sociaux. (…) Il faut faire des choix courageux, il faut les faire en confiance. »